[《存在与时间》法文版]être_et_temps.docx
MARTIN HEIDEGGERÊtre et tempstraductionparEmmanuel MartineauÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCEAVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR« Les Français arrivent à toutles derniers, mais enfin ils arrivent. »VOLTAIRE.Cette édition hors commerce dÊtre et Temps a été réalisée « au compte du traducteur », qui a souhaité en offrir le nombre réduit dexemplaires à ses amis. Entreprise en juillet 1984, la traduction a été achevée le 3 février 1985, et éditée au cours des mois suivants.Elle est intégrale, et, faut-il le préciser, totalement nouvelle, ne devant rien, par conséquent, aux deux tentatives partielles déjà existantes : la traduction des §§ 46-53 et 72-76 par Henry Corbin, parue en 1937 dans son anthologie heideggérienne intitulée Quest-ce que la Métaphysique ? et celle, par Rudolf Boehm et Alphonse de Waelhens, (BW), des §§ 1-44 (introduction et section 1), également publiée par les Éditions Gallimard, en 1964, sous le titre lÊtre et le Temps. De ces deux précédents, quil soit permis de ne dire ici que lessentiel : 1/ Si léloge du philosophe Henry Corbin nest plus à faire, lauteur de ces lignes a eu naguère loccasion dexprimer, par parole et par action la vive admiration quil éprouve pour Rudolf Boehm en « défendant et illustrant » sa pensée propre. 2/ Il na cependant jamais rencontré, en toute sa vie, un seul lecteur qui fût parvenu, sur la seule base des traductions partielles en question, à « comprendre » et encore moins à étudier Être et Temps On fait des sondages sur tous les sujets, il est dommage quon nen fasse pas sur celui-la.Paru en février 1927, comme tome VIII du Jahrbuch de Husserl, et, simultanément, en volume séparé (que nous possédons et avons souvent consulté). Sein und Zeit a connu du vivant de son auteur, treize éditions chez Max Niemeyer, à Tübingen (N1-N13) ; puis, juste après la mort du penseur, il en a paru une nouvelle (KA) chez Klostermann, à Francfort, comme tome II de la Gesamtausgabe (lÉdition Complète de dernière main entreprise en 1975), bientôt suivie, en 1977 dune 14ème édition Niemeyer (N14) soi-disant identique à elle. De ces diverses éditions, dont on trouvera maintenant une description détaillée et un relevé de variantes dans le Handbuch de R. A. Bast et H.P. Delfosse R. A. BAST et H. P. DELFOSSE, Handbuch zum Textstudium von M. Heideggers « Sein und Zeit », t.1, Éd. Frommann-Holzboog, Stuttgart, 1979. Nous navons pas pu utiliser le t. II, promis pour 1985 par le catalogue de léditeur, mais non encore paru, que nous sachions, au moment où nous terminons notre travail., laquelle devions-nous choisir comme base de notre travail de traduction ? À cette délicate question, il nous a semblé que le bon sens fortifié par les informations que lui apportaient les deux savants cités ne pouvait que répondre : la meilleure des éditions publiées par lauteur lui-même. Or, soit dit sans adresser la moindre critique aux éditeurs de la G.A., KA ne satisfaisait point à un tel « critère » un peu vague, on lavoue , si du moins Bast et Delfosse ont raison décrire à son propos :« KA et N14 sont les premières éditions, dans lhistoire littéraire de S.u.Z., dont le texte ait été établi par un éditeur ; par suite, la question reste ouverte de savoir dans quelle mesure les modifications quon y constate (presque 300 par rapport à N13) sont le fait de Heidegger lui-même, et il est sûr à tout le moins que ce nest pas lui qui les y a introduites une à une. Bref ces changements, en tout état de cause et même si on se réfère aux indications de léditeur Fr.-W. von Hermann. G.A., t. II p. 579 , nont été que passivement autorisés (passiv autorisiert). De plus, KA et N14 nen divergent pas moins entre elles de façon notable dans bien des cas » Id., p. 390. Les auteurs renvoient sinon à leur article « Philologisches zu den beiden Neuausgaben von S.u.Z. », dans Philosophisches Jahrbuch, 1979. p. 184-192. On sait enfin que cest dans KA quont également été publiés pour la première fois les marginalia de lexemplaire de Totnauberg. Mais quelle queût été lédition retenue, nous ne les eussions point traduits ici, pensant quils ne font de toute façon pas partie du texte.Restait donc N1-N13, ce qui faisait encore beaucoup. Heureusement, lembarras du choix nétait plus alors si grand quil y paraissait. En effet toujours daprès les indications du Handbuch , ce groupe de treize éditions se divise en deux « blocs » assez hétérogènes N1-6, dune part, N 7-13, dautre part. Et, de lun à lautre, voici ce qui a changé : « N7 contient une “note liminaire”, disant que “le texte de la présente réimpression na subi aucun changement”, mais que “les citations et la ponctuation ont fait lobjet dune révision”. Néanmoins. N7 contient maintes interventions dans le texte. Globalement, le texte de N7 sécarte de celui de N6 dans plus de 480 cas (!). . Ces modifications du texte sont de nature très diverse : elles vont de corrections de coquilles, via des suppressions de fautes dorthographe, à des changements qui ne laissent pas intact le sens du texte. Parmi elles, se trouvent également des déplacements syntaxiques, beaucoup de soulignements nouveaux (de noms propres, notamment), dajouts de tirets, et, en 5, resp. 3 cas, des suppressions des particules daccentuation « doch » et « ja ». Des changements divers concernent certains usages linguistiques propres à Heidegger. En quelques endroits, le texte a été actualisé, certains renvois aux parties inédites de S.u.Z. ayant même été éliminés (tandis que dautres, au contraire, étaient maintenus) » Id., p. 388-389.Bien que le nombre « 480 » ne doive point nous émouvoir à lexcès il inclut des variantes absolument infimes, orthographiques ou même purement graphiques , nul ne saurait sous-estimer le prix de ces renseignements, ainsi que des relevés qui les accompagnent, ni méconnaître la double « moralité » qui sen dégage aussitôt : 1/ Dabord, il convient dy insister, quiconque se proposerait à lavenir dargumenter avec précision au sujet de S.u.Z., cest-à-dire détayer une interprétation philosophique sur des exégèses tant soit peu littérales, ne pourra plus se dispenser dindiquer sa source, voire den produire et den comparer plusieurs. 2/ Ensuite, et en ce qui concerne notre problème du choix de loriginal à traduire, on voit quil prenait, grâce au Handbuch, la forme du clair dilemme suivant : les « blocs » N1-N6 dun côté, N7-N13, de lautre, étant donc supposés bien distincts, et chacun sans faille notable (bien quils en contiennent quelques-unes), fallait-il traduire lédition originale, ou bien une édition certes postérieure de vingt-six ans (N7 date de 1953), mais manifestement améliorée, et cela par Martin Heidegger lui-même ? Cest à la deuxième partie de lalternative que nous nous sommes rallié, pour deux raisons : 1/ par égard pour la volonté de Heidegger 2/ pour avoir constaté, en examinant attentivement le relevé III, 1 de Bast et Delfosse Id., p. 413-420., que abstraction faite des coquilles au sens strict du terme les modifications introduites par lauteur à partir de N7 nobéissaient point tant à la logique dune « réinterprétation » tardive, voire « abusive », quelles ne procédaient que du désir dobtenir, tout simplement, un texte moins fautif. Comme une démonstration détaillée de ce point alourdirait inutilement cet avant-propos, mais quil convient tout de même den donner un commencement de preuve, nous illustrerons le phénomène en indiquant simplement quelques leçons de N6, et la transformation opérée par N7 (le lecteur peut et doit sinon se faire une opinion personnelle sur ces problèmes, en se référant directement au Handbuch) :Page,ligneN6 (fautivement) N7 rectifie en :3611EtkenntnisUnkenntnis5326AusweisungAufweisung7621ZuhandenheitVorhandenheit12237zeitigtzeigt12510s.sich nicht undurchsichtig sich durchsichtig gemacht gemacht und verstellt hatund nicht verstellt hat15508EntschränkungEinschränkung39027sich nicht so,sich soetc.Bien sûr, quoique nous considérions ces changements comme des corrections, nous ne nions pas que quelques autres (ainsi 04201, 32502) « sentent » leur réinterprétation. Mais le moins quon puisse dire est que celle-ci na rien de draconien elle ne va jamais, en tout état de cause, jusquà importer dans S.u.Z. un concept étranger à sa langue originelle.Aussi, cest de la dixième édition de S.u.Z. (N10,1963) que nous proposons ici la traduction au lecteur français. Que ce choix ne fût point mauvais, nous pouvons dailleurs en apporter une confirmation supplémentaire, « subjective » sans doute, mais non négligeable : à aucun moment, lusager exigeant quétait son traducteur na été amené à la suspecter ; si difficile ou lourde que soit souvent notamment dans la section 2 la syntaxe de Heidegger, jamais il na éprouvé la tentation de rapporter ces phénomènes à un texte incertain ou erroné.*Pour ce qui touche maintenant à la présentation de ce volume, le nécessaire sera vite dit, et pour cause :1/ Sein und Zeit est le chef-duvre de ce siècle, et, comme tel, un objet, terme par lequel nous entendons quelque chose de résolument autonome. Or comme un objet, cela requiert dêtre primairement dévoilé, et que nous navions pas ici dautre but, nous nous sommes uniquement attaché à en assurer la « lisibilité » ce qui ne veut pas dire, chose impossible et absurde : en « faciliter » la lecture , soit, négativement, à ne lui point ajouter de surcharge, commentaire, note ou « référence » daucune sorte. Voilà pourquoi on ne trouvera ici en particulier ni mots allemands entre parenthèses, ni notes du traducteur à caractère exégétique, ni préface doctrinale, ni, surtout, de renvois aux volumes chronologiquement voisins de lÉdition Complète, pour ne rien dire des ouvrages postérieurs de Heidegger, auxquels il arrive souvent, et cela jusquà Temps et Être et aux ultimes séminaires, de se « référer » à Sein und Zeit. Le livre de 1927, en effet, étant la source jaillissante et primordiale à laquelle se doive de puiser toute approche de la pensée heideggérienne, ce nétait décidément pas le moment de l« éclairer » par des cours qui, quelle quen soit parfois la splendeur, nen demeurent pas moins subordonnés à ce lieu majeur où, pour la première fois, est proposée et tentée une élaboration temporalo-existentiale dune possible problématique de lêtre. Par voie de conséquence, le fait contingent que nous ne sachions, hic et nunc, encore à peu près rien de la « genèse » du livre nous a paru tout à fait positif Et nous nous félicitons, en particulier, que le t. XX de la G.A. publié en 1979 sous le titre Prolégomènes à lhistoire du concept de temps, offre plutôt une première rédaction de la section 1 quil ne révèle un stade de pensée antérieur, donc distinct. Quand on songe, par ailleurs, que ce cours à été professé durant lété 1925, on ne peut être que stupéfait par la précocité du philosophe : si genèse il y a forcément eu , il y a eu aussi et surtout une éclosion, une naissance dont la vigueur, si Hegel neût existé, serait sans exemple dans lhistoire de la pensée occidentale. Une « différence », cependant, entre ce volume et S.u.Z. mérite dêtre notée : ce qui sappellera en 1927 Erschlossenheit, « ouverture », sappelle encore en 1925 Entdecktheit, « découverte », « être-découvert » (v. t. XX, § 28, ainsi que la postface de Petra Jaeger, p. 444) et vice versa. Voilà qui marque non une variation de Heidegger, mais la « sensibilité » dans tous les sens du terme de la langue allemande. Lorsque lon a pour tâche, en traduisant, de restituer une nuance séparant deux termes philosophiques allemands, il convient parfois de commencer par se rendre compte de sa délicatesse dans la langue dorigine plutôt que de se hâter den faire, dans la langue darrivée une opposition à la hache. : puisse la « documentation » la concernant ne nous être livrée que le plus tard possible et veuillent bien ceux qui, dans un avenir peut-être assez proche (puisquune IVème section de la G.A. est dores et déjà programmée), disposeront delle en totalité, ne jamais oublier quune chose est de se représenter objectivement la « formation » dune pensée, une autre chose de discerner ce que Heidegger, dès la première page de ce livre, appelle presque « intraduisiblement » son caractère vorläufig, provisoire au sens de pré-curseur ou pré-cursif. Saurions-nous tout sur les rapports du jeune Heidegger avec Paul, Augustin, Luther, Kierkegaard, Nietzsche, Rilke, Dostoïevski, Aristote, Kant, Husserl et cent autres, que nous ne serions pour autant en rien « prédisposés » à penser avec lui, pour la claire et excellente raison quaucun savoir, comme tel, nouvre de disposition.2/ Comme le présent volume, on la dit, ne correspond point à la différence de ceux de la série uvres de Martin Heidegger en cours de publication aux Éditions Gallimard à un volume de la G.A., la pagination originale que lon trouvera reproduite dans ses marges est celle des éditions N (à peu près identique dans toutes) Sur la pagination, v. le Handbuch, p. XXIII, dont les listes suivent plus précisément celle de N14 : « Mais une table de concordance serait superflue, puisque les précédentes éditions de S.u.Z. ne diffèrent que dune manière infime de N14 sur ce point, et que KA reproduit également dans ses marges la pagination de N7-13. ». Il arrive souvent, comme chacun sait, que des uvres majeures de la littérature philosophique soient conventionnellement citées daprès leur édition originale : cet usage semblant devoir simposer pour Être et Temps aussi bien que, par exemple, pour la Critique de la raison pure de Kant, nous espérons ainsi contribuer à sa consolidation, et nous invitons le lecteur, même sil voulait bien utiliser notre traduction, à rester lui aussi fidèle à cette pagination N (la mention supplémentaire du paragraphe ne pouvant quajouter à la précision des références).3/ Un index « complet » (dans les limites que définit sa note liminaire), en fin de volume, rassemble nos transpositions du vocabulaire technique de Heidegger et en justifie brièvement quelques unes. Le lecteur qui le consultera (ou qui, par son intermédiaire, recourra éventuellement aussi au Handbuch ou à lIndex de Hildegard Feick H. FEICK, Index zu Heideggers “S.u.Z.”, 2e éd., Tübingen, 1968 : précieux glossaire conceptuel et thématique. Voir notre index C.) pourra constater que nous nous sommes astreint non seulement à restituer (sauf exception sans portée philosophique) un même mot allemand par un même mot français, mais encore ou tout dabord à construire un système de transpositions souvent neuf, le plus approprié que possible aux requêtes spécifiques de S.u.Z., et enfin cohérent. Toute traduction est interprétation, et celle-ci pas moins qu